Indochine
Histoire de l'Indochine Française
Éric Deroo
"Les chemins de Mémoire" n°229 septembre 2012
Documents et vidéos sur la guerre d'Indochine

Hélie de Saint Marc raconte "Notre guerre oubliée"
Dien Bien Phu du 20 novembre 1953 au 7 mai 1954
Na San, une bataille dans la jungle - ECPAD
Diên Bien Phu - 7 mai 1954
Les images de Diên Biên Phu dans les fonds de l'ECPAD
D'autres films sur la guerre d'Indochine comme :
- La 317ème section de Pierre Schoendoerffer avec Bruno Cremer et Fancis Perrin
- Dien Bien Phu de 1992 avec Donald Peasence et Jean François Balmer
Opium : chant des troupes de marine
Cette chanson a été créée en 1930 par Charlys (musique et paroles) et Guy d'Abzac (paroles) ; les soldats de l'infanterie de marine en ont fait un chant militaire, atypique par son sujet.
Le dernier survivant de Dien Bien Phu
Finistère. Pierre Coquil a survécu à l'enfer de Diên-Biên-Phû, au Viêt Nam
Il aura 93 ans le 5 mars 2021, « juste à temps pour publier ses mémoires ». Soldat de la Coloniale, au Sénégal, en Indochine, Algérie et Nouvelle-Calédonie, Pierre Coquil est né à Collorec, dans le Finistère. Il est l'un des derniers et rares rescapés de la terrible bataille de Diên-Biên-Phu, au Viêt Nam.
Pierre Coquil est un survivant. Il est né le 5 mars 1928, dans la fermette de Saint-Guénolé, sans électricité ni eau courante, à Collorec, dans le Finistère. Sa langue maternelle reste le breton. Il a appris à nager « à l'aide d'une botte de jonc ».
Presque 93 ans plus tard, il livre ses mémoires, son histoire liée à la grande Histoire. « J'ai fait travailler mes neurones. Pour qu'ils sachent, et que survive le passé. »
Le Finistérien Pierre Coquil a vécu La Coloniale : soldat au Sénégal, en Indochine, en Algérie, en Nouvelle-Calédonie. | DR
Engagé dans la Coloniale
Pierre Coquil est l'un des rares soldats français rescapés de la terrible bataille de Diên-Biên-Phu, en Indochine, symbole de victoire pour le Viêt Nam et de défaite pour la France.
« La pire période de ma vie, après l'internat chez les curés et leurs mauvais traitements, à Saint-Pol-de-Léon », décrit ce bon élève. Il a préféré « s'engager dans la Coloniale » plutôt que de devenir missionnaire.
« J'ai l'état d'esprit d'un citoyen du monde, pas celui d'un prêtre », écrit-il à ses parents. « Ma vocation de soldat a fait l'effet d'une bombe ! »

Pierre Coquil, en 6e, au Kreisker à Saint-Pol-de-Léon. Destiné au séminaire, il a gardé les « pires souvenirs » d'une scolarité « marquée de mauvais traitements ». | DR
Pierre Coquil décrit, aussi, des moments très heureux. De retour du Sénégal, il réalise que Marguerite, la petite sœur de son « vrai » ami, Joseph, n'est plus « une gamine ». Guite, 17 ans et Pierre, 23 ans, se marient le 15 avril 1952 : « Le pur bonheur de vivre » dans une chambre minuscule, « la n° 69 ! » de la caserne de Versailles.

Le 15 avril 1952, c'est le grand jour des noces à Collorec : Pierre Coquil, 23 ans, épouse Marguerite, 17 ans, la sœur de son meilleur ami, Joseph, qui, lui épouse Mimie. En avril 2021, Pierre et Guite seront mariés depuis 69 ans. | DR
Départ en Indochine, « quelle chance » !
Mais « relégué » intendant, Pierre Coquil s'ennuie parmi « les bureaucrates ». Alors, comptable en Indochine, affectation recherchée dans la Coloniale, « quelle chance ! »
En 1953, Pierre Coquil rejoint l'unité Isabelle de la garnison de Diên-Biên-Phu. À 300 km d'Hanoï et à 20 km du Laos, une cuvette stratégique que les Français veulent conserver à tout prix.
Début 1954, 16 000 hommes se retrouvent sur ce champ de bataille pendant que des dizaines de milliers de Vietnamiens préparent l'invasion du camp. « J'ai dû m'habituer à dormir au bruit des canons ».
Occupé à survivre
Le 13 mars 1954, un déluge de fer et de feu s'abat sur la garnison française : « Dans ces moments-là, sonné, on perd toute lucidité, occupé à survivre. » Le 23 mars, son camion est pulvérisé. Il s'en sort, « sourd pour toujours », parmi neuf morts et quinze blessés.
Après 57 jours de combat acharné, le camp retranché d'Isabelle se rend, le 8 mai 1954. Ce même jour, à Carhaix, naît Michel, le premier des quatre enfants de Pierre et Marguerite... À Genève, les pourparlers de négociation aboutissent, le 21 juillet 1954, au partage du Viêt Nam et à la fin de la présence française.
Marche ou crève
À Diên-Biên-Phû furent faits 10 948 prisonniers. Comme Pierre Coquil, ils prirent, le 26 mai, la route des camps de captivité. 3 290 furent libérés quatre mois plus tard. Il en manquait 7 658. 70 % de mortalité au cours de « cette marche en enfer » de plus de 600 km. Un interminable calvaire physique et moral, « dans la gadoue », prisonnier de la jungle inhospitalière, où rôdent « des bestioles mortelles » : « Au début, j'avais mon casque lourd, qui servait à cuire nos rations de riz. » 200 g seulement par semaine. À volonté : insultes, litanies vietminh contre l'armée française... Rien contre la dysenterie, le béri-béri, le scorbut, le palu, les poux, la gale...

Pierre Coquil à Boufarik, en Algérie, en 1956. Petit, il rêvait, avec ses copains, « d'aventures dans les pays lointains ». Des amis comme Jean Kéromnes, maire de L'Hôpital-Camfrout de 1984 à 2001, auquel on doit le Mémorial Indochine-Corée, inauguré dans le Finistère en 2005. | DR
« La devise de mon régiment, "Marche ou crève" n'a jamais eu plus de sens. Une nuit, j'ai senti mes dernières forces m'abandonner. Mais rester à la traîne équivalait à une sentence de mort, raconte Pierre Coquil. J'ai retrouvé mon copain Fernand, assis tranquille, sous un arbre inconnu. Mort. »
Ce calvaire s'est terminé en août 1954. Pierre Coquil quittera Saïgon le 28 septembre. Le bilan d'Isabelle est effroyable : 380 survivants sur 1 809 hommes, un sur cinq. « Ma mémoire a tout enfoui pendant des années. Une sorte de seconde défaite. »
Pierre Coquil débarque en Algérie en mars 1956. Vingt-sept mois
d'une « guerre sale, fratricide, avec des civils au milieu ».
Puis la Nouvelle-Calédonie, « en famille, une vie tranquille ».
Il redevient civil à 34 ans, comptable à l'Économie Bretonne, à
Brest.
« J'ai bien vécu ! »
En 1988, retraité, Pierre Coquil renoue avec les anciens combattants, devient le porte-drapeau des commémorations de la guerre d'Indochine. La reconnaissance de la nation fut longue à venir. En 1993 seulement, par François Mitterrand.
« J'ai bien vécu », conclut ce patriarche d'une « sacrée tribu », onze fois arrière-grand père, « un paysan simple plongé dans le cours de son temps. »
« De Collorec à Collorec en passant par Dien Bien Phu » par Pierre Coquil, éditions La Carrée, 15 €.
Merci à Frédérique GUIZIOU pour ce très bon interview de Pierre Coquil
Ouest France :Frédérique GUIZIOU. Publié le 28/02/2021
Une chanson à la gloire de Dien Bien Phu par: