La Chapelle de Raincourt

La Chapelle de Rancourt

Dans la Somme, une chapelle centenaire et gardienne de la mémoire              de la Grande Guerre.

Sur le champ de bataille de la Somme, une chapelle a été bâtie en 1922 par la famille du lieutenant Du Bos, tombé en 1916. Un siècle plus tard, le Souvenir français veille sur ce monument unique.

Le long de l'ancienne nationale 17 Paris-Lille, entre Rancourt et Bouchavesnes-Bergen dans la Somme. Un petit bout de nulle part, entouré de champs de betteraves et de pommes de terre. Mais un concentré d'histoire de la Première Guerre mondiale.

Au milieu d'une longue ligne droite, pointe le clocher d'une chapelle construite au milieu d'une des nécropoles nationales de la Grande Guerre.

Plus de 8 566 Poilus y reposent, dont 3 200 dans quatre ossuaires. Ces soldats sont tombés lors des différents épisodes de la bataille de la Somme. Entre 1915 et 1917, ces combats ont fait 400 000 morts et 600 000 blessés.

Parmi ses victimes, le lieutenant Jean Du Bos tombé le 25 septembre 1916, devant Rancourt. Un millier d'hommes meurent à ses côtés, dans des affrontements particulièrement violents.

Les deux ans de guerre du lieutenant du 94e régiment d'infanterie ont été marqués « par de nombreux faits d'armes et plusieurs blessures ». Ses supérieurs louent « son sang-froid, son coup d'œil et surtout sa bonne humeur ».

Des donations jusqu'aux USA

En 1917, la maman du jeune lieutenant décide d'ériger une chapelle à l'endroit de la mort de son fils « et de ses camarades tombé, comme lui, ici même », est-il inscrit sur le fronton intérieur de l'édifice.

Pour financer son projet, la famille Du Bos lance une souscription publique. Elle collectera des fonds jusqu'aux États-Unis. La chapelle est inaugurée en 1922, devant 10 000 personnes.

À partir de 1937, le Souvenir français devient propriétaire de la chapelle par donation. Pour Serge Barcellini, président général de l'association dont la mission est de conserver le souvenir des morts pour la France, « la chapelle symbolise la mémoire nationale française. Elle rappelle, sur ce formidable champ de bataille de la Somme, qui porte aujourd'hui la mémoire du Commonwealth dans sa globalité, que les soldats français ont représenté un tiers des hommes qui ont lutté ici pour maintenir l'indépendance et la liberté de la France. »

Avec, à proximité de la chapelle, un petit cimetière militaire britannique et une nécropole allemande regroupant plus de 11 000 hommes, ce bout de France offre une leçon d'histoire très forte. Car incarnée par la mémoire des hommes.

« Un espace vivant »

Les murs de l'édifice religieux sont recouverts de plaques commémoratives qui rendent hommage aux soldats morts. Avec des descriptions très réalistes.

« Le 27 août 1917, il a maintenu sa compagnie sous un feu violent d'artillerie lourde, fumant tranquillement sa pipe sous la mitraille, véritable exemple de crânerie et de conscience de chef, glorieusement tombé le lendemain à son poste de combat », est-il écrit sur la plaque dédiée au vicomte Jean d'Ussel, capitaine d'infanterie.

Cent ans après, Antoine Depta est en quelque sorte le gardien de la chapelle et de la mémoire. Délégué du Souvenir français de la Somme, il se démène pour que ce lieu demeure « un espace vivant », notamment pour la transmission de cette histoire aux jeunes.

Les religions dans la Grande Guerre

Un programme de rénovation de 750 000 € a été engagé par le Souvenir français pour redonner à la chapelle « sa présentation originelle, en rendant à la flèche sa forme de 1922. »

La création d'un centre d'interprétation sur les religions dans la Grande Guerre est un autre symbole de cette volonté de l'association.

L'exposition est présentée dans la sacristie de la chapelle. « L'idée est de montrer le rôle des religions au milieu des horreurs de la guerre », résume Antoine Depta. Soutien moral des soldats, accompagnement des deuils, mobilisation des aumôniers militaires... Au début du XXe siècle, la religion est encore très présente dans la vie quotidienne et dans la guerre.

La leçon d'histoire a pu continuer, dès vendredi. A l'occasion du 11 novembre 2022, Antoine Depta a fait le guide pour 50 jeunes d'un collège de Vendôme (Loir-et-Cher).

Ouest-France : Jean-Christophe LALAY.Publié le 13/11/2022