Les Sénants ont choisi  de Gaulle

Le départ des marins de Sein pour l'Angleterre

du 22 au 26 juin 1940

Louis Fouquet, dernier survivant des marins Sénans ayant rejoint De Gaulle en 1940, est mort le 10 octobre 2018. Acte de courage ou de panique, leur départ reste un mystère.


Louis Fouquet, à droite, était le dernier des 128 Sénans à avoir répondu à l'appel du général de Gaulle en juin 1940. Ici avec François Tanguy, à gauche et Noël Menou, deux autres membres de l'épopée.© DR

Louis Fouquet est décédé à 92 ans le mercredi 10 octobre 2018. Il était le dernier des 128 Sénans partis rejoindre De Gaulle en 1940, encore en vie.

Le 6 juillet 1940, le général de Gaulle réunit dans un hall d'exposition de Londres, l'Olympia, les premiers Français qui ont répondu à son appel. Parmi ces volontaires de la France Libre, 334 marins. Le général leur demande un à un d'où ils sont. 128 répondent : « De l'Île de Sein, mon général. » Interloqué, De Gaulle s'exclame : « L'Île de Sein est donc le quart de la France ! »

À cette époque, l'île compte près de 1 300 habitants. La plupart des hommes en âge de combattre sont déjà engagés dans la Marine et dispersés sur les mers. Les seuls qui restent sont les adolescents et les hommes âgés. Un courrier, Ar Zénith, assure deux fois par semaine la liaison avec Audierne.

Mercredi 19 juin, alors que personne n'a entendu l'appel du général le 18 juin, le courrier Ar Zénith arrive d'Audierne, avec à son bord des civils du Cap-Sizun, des femmes de l'île de Sein, et soixante-quinze militaires, surtout des chasseurs alpins, qui veulent rejoindre l'Angleterre. Le patron, Jean-Marie Menou, annonce qu'il va les conduire à Ouessant le soir même, mais il ne prendra pas les civils. Un autre bateau, La Velléda, ravitailleur des Phares et Balises, accepte de transférer les 32 civils. Au soir, les deux bateaux appareillent.

Le piège allemand

Samedi 22 juin, le maître du phare, Henri Thomas, prévient les habitants qu'un général doit parler à la radio. À 16 h, Mme Menou, tenancière de l'Hôtel de l'Océan, place son poste TSF sur le rebord de sa fenêtre. Les gens se rassemblent. La voix du général s'élève dans un silence religieux. Il appelle les officiers et soldats français à le rejoindre à Londres. « Quoi qu'il arrive, la flamme de la Résistance française ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas ! »

Chacun rentre chez lui en silence. Lundi 24 juin, les Allemands sont à Quimper. Le maire de l'île reçoit l'ordre des gendarmes d'Audierne de placarder une affiche demandant à tous les militaires de se rendre à la caserne de la Tour-d'Auvergne, à Quimper, avec trois jours de vivres.

Beaucoup de soldats du Finistère-sud obéiront à cet ordre et partiront pour cinq ans en Allemagne. Sur l'île, on ne tombe pas dans le panneau. Les hommes décident tous de partir en Angleterre, les femmes les encouragent. Il suffit d'attendre la nuit pour se cacher des avions allemands qui mitraillent le raz de Sein.

Il ne restait que le maire et le boulanger

Le soir venu, La Velléda et le Rouanez ar Mor appareillent, bénis par le recteur de l'île. Le maire et le boulanger voulaient être du voyage, on les a dissuadés, leurs fonctions étant jugées vitales pour l'île. On débouche des bouteilles pour le départ.

Mercredi 26 juin, c'est au tour du Mari Stella, du Rouanez ar Peoc'h et du Corbeau des Mers. De ces six bateaux qui ont rejoint l'Angleterre, deux ont été conservés et sont classés monuments historiques : Ar Zénith, qui se trouve à Saint-Malo, et le Corbeau des Mers, qui navigue toujours en sud-Bretagne.

Au total, 140 îliens ont rejoint l'Angleterre. 128 se sont engagés dans les Forces françaises libres. Dix-huit morts sont morts au combat.

Ouest France : Jean-Luc COCHENNEC. Publié le 21/10/2018

Hommage du général de Gaulle à l'Ile de Sein

05 septembre 1946

Le général de Gaulle, en visite à l'Ile de Sein, remet la Croix de la Libération à l'île. Il rend ainsi hommage au courage des Sénans, les premiers hommes libres l'ayant rejoint à Londres.

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Éclairage

Plus de six ans après l'appel du 18 juin 1940, le général de Gaulle, ayant alors quitté les affaires politiques, entreprend une visite sur l'île de Sein. Loin de ses appels à la réforme de l'État durant l'été-automne 1946, De Gaulle vient ici rendre hommage à l'épopée patriotique des Sénans, en 1940. En effet, après la signature de l'armistice le 22 juin 1940, quelques navires de pêche bretons ont cherché à fuir l'occupation et à rejoindre les ports anglais. L'évasion la plus spectaculaire est celle justement des 133 pêcheurs de l'Ile de Sein. Cette dernière comptait alors 1100 habitants. Coupés du continent, les Sénans, quelques heures avant l'arrivée des troupes allemandes le 24 juin 1940, se réunissent. Le maire et le curé les poussent à s'échapper pour éviter le recensement prévu par les Allemands. Les hommes non mobilisés décident alors de partir vers le Royaume-Uni à bord de leurs bateaux de pêche. Le plus âgé de cette expédition avait cinquante-quatre ans et le plus jeune quatorze ans. Ces hommes partent sur cinq bateaux de pêche et ils retrouvent dans les ports anglais de nombreux pêcheurs de Camaret, du Guilvinec et d'ailleurs. Le 5 juillet 1940 passant en revue les Forces Françaises Libres (FFL) réunies à Londres, le général de Gaulle aurait dit : "Mais l'île de Sein, c'est donc le quart de France !". C'est en effet, à peu de choses près, ce que les Sénans représentaient à cette date dans la France Libre. L'arrivée de ces pêcheurs bretons, entre autres, est précieuse car ils vont, durant l'été et l'automne 1940, débarquer les premiers agents de renseignement gaullistes ou britanniques sur le littoral breton en se mêlant aux flottilles de pêche. Les départs et évasions par mer sont une des caractéristiques de la Bretagne. Nombreux sont ceux qui forment par la suite le noyau initial des Forces navales françaises libres (FNFL). Paradoxe de l'histoire, l'île de Sein est la seule commune de France à avoir plus de morts militaires en 1939-1945 (27 morts) qu'en 1914-1918 (21).

Liste des bateaux qui ont permis de rejoindre l'Angleterre

Le poste de radio qui a permis d'entendre l'appel du 18 juin

Le quai des Français libres

Bibliographie :

- Christian Bougeard, Occupation, résistance et libération en Bretagne en 30 questions, La Crèche, Geste éditions, 2005.

- Jacqueline Sainclivier, La Bretagne de 1939 à nos jours, Rennes, Ed. Ouest France, 1989.

François Lambert

Tri Yann - Chante - Sein 1940


ILE DE SEIN COMPAGNON DE LA LIBERATION - FINISTERE

FINISTERE - ILE DE SEIN - 18 JUIN 1940 - COMPAGNON DE LA LIBERATION


ILE DE SEIN - Des Bretons choisissent la France Libre22 - 26 juin 1940

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